La "ciclovia" de Bogota inspire les villes du monde entier, dont Marrakech pourrait suivre l'exemple

Rédigé le 14/12/2024
avec AFP

Alors que la ville de Marrakech cherche à relever ses défis de mobilité urbaine, l'exemple de la "ciclovia" de Bogota, qui fête ses 50 ans, pourrait offrir une solution innovante. Cette initiative colombienne, qui libère chaque dimanche 127 kilomètres de rues des voitures au profit des cyclistes et piétons, a déjà inspiré 200 villes à travers le monde.



Jaime Ortiz Marino, architecte passionné de vélo aujourd'hui âgé de 78 ans, est l'inventeur de ce concept révolutionnaire. Le 15 décembre 1974, soutenu par 5000 personnes, il réussit à faire fermer une partie du centre de Bogota aux voitures, initiant un mouvement qui allait transformer la ville. À l'instar de Bogota, Marrakech, avec son patrimoine cycliste riche et ses ruelles historiques, pourrait envisager une initiative similaire pour améliorer la qualité de vie de ses habitants et renforcer son attrait touristique.

"C'est la plus grande salle de classe en plein air du monde", se félicite auprès de l'AFP M. Ortiz, contemplant avec satisfaction sa création. Chaque dimanche, une moyenne de 1,7 million d'habitants de Bogota font du vélo, du patin à roulettes ou d'autres activités physiques le long des rues interdites aux voitures, selon les chiffres officiels.

Ces promenades dominicales à l'ambiance familiale constituent un répit bienvenu pour les habitants de l'une des plus grandes métropoles d'Amérique latine, réputée pour sa mauvaise circulation automobile et sa médiocre qualité de l'air. "La ciclovia fait partie de l'âme de Bogota", affirme Camilo Ramirez, qui fait son jogging avec sa femme derrière ses enfants, âgés de 5 et 12 ans, tous deux à vélo.

L'impact environnemental est significatif : à Bogota, située à 2.600 mètres d'altitude, les nuages grisâtres de pollution disparaissent presque tous les dimanches. Selon les chiffres officiels communiqués à l'AFP, la "ciclovia" aura permis de réduire l'équivalent de 444 tonnes de CO2.



Le succès de l'initiative a dépassé les frontières. De Mexico à Santiago en passant par Sao Paulo, plusieurs villes d'Amérique latine ont mis en place des programmes hebdomadaires similaires au cours des vingt dernières années. Dans un pays marqué par de fortes inégalités, la "ciclovia" est aussi devenue un exercice de mixité sociale, les habitants des quartiers aisés du nord croisant ceux du sud, plus modeste.

"C'est ce qui me fait vivre", s'enthousiasme John Lozano, un passionné de cyclisme de 89 ans qui quitte son domicile à 4h30 tous les dimanches matin sur son vélo de course pour retrouver ses amis le long du parcours. M. Ortiz décrit la "ciclovia" comme une "soupape d'échappement" pour cette métropole de huit millions d'habitants, dont la population a décuplé en 50 ans.

La passion des Colombiens pour le cyclisme remonte à plusieurs générations, alimentée par les exploits de légendes telles que Luis "Lucho" Herrera, vainqueur de la Vuelta en 1987, et Egan Bernal, premier Latino-Américain à remporter le Tour de France en 2019. En Colombie, les paysans et les ouvriers utilisaient traditionnellement le vélo pour se rendre au travail.



Les deux-roues sont devenus un symbole d'émancipation, "permettant à chacun de se déplacer d'une manière accessible à tous", explique le psychologue et urbaniste Carlos Efe Pardo. La "ciclovia" génère également une économie locale dynamique : les marchands de salades et jus de fruits alimentent les promeneurs, tandis que des mécaniciens comme Eladio Gustavo Atis, 56 ans, réparent les vélos depuis plus de trois décennies.

Cette initiative pourrait particulièrement résonner à Marrakech, ville historique où la culture du vélo est profondément ancrée. Comme Bogota en 1974, la ville ocre fait face à des défis croissants de circulation et de pollution, tout en disposant d'un réseau de ruelles propice à ce type d'initiative. Une "ciclovia" marocaine pourrait non seulement améliorer la qualité de vie des habitants mais aussi renforcer l'attrait touristique de la ville, tout en préservant son patrimoine historique.