La Déclaration de Marrakech fait de l’eau un pilier de la sécurité mondiale

Rédigé le 08/12/2025
Le Marrakech


La Déclaration de Marrakech, adoptée lors du 19e Congrès mondial de l’eau, remet au centre un principe essentiel : « la coopération autour de l’eau est l’un des leviers les plus puissants de la stabilité régionale et mondiale », écrit Said Temsamani. Ce texte, plus qu’une synthèse de débats, marque un basculement de la gouvernance globale de l’eau : il invite à considérer l’eau comme un pilier de la paix, de la sécurité économique et de la résilience sociale.

Longtemps, les défis hydriques ont été traités comme de simples sujets environnementaux, cantonnés à des comités techniques ou à des ministères sectoriels. Marrakech rompt avec cette approche. « L’eau n’est pas un domaine politique secondaire. C’est l’ossature de la stabilité du XXIe siècle », insiste la déclaration, alors que « le rétrécissement des fleuves, l’effondrement des nappes et les sécheresses liées au climat » menacent les systèmes agricoles, les réseaux énergétiques, la sécurité alimentaire et la santé publique.

Le message récurrent est clair : « des réformes incrémentales ne suffisent pas ». L’ampleur et la vitesse des mutations imposent « des innovations audacieuses », dont des systèmes de distribution pilotés par l’IA, la désalinisation bas carbone, la réutilisation à grande échelle des eaux traitées, la télérelève intelligente et des infrastructures adaptées au climat. Mais « l’innovation doit être inclusive » : un futur où ces solutions ne seraient accessibles qu’aux pays riches ou aux acteurs privés « creuserait les inégalités » ; elle est à la fois « nécessité stratégique » et « engagement éthique ».

La déclaration met en avant une gouvernance participative de l’eau. « On ne peut gérer durablement l’eau par des modèles uniquement descendants » ; l’efficacité suppose d’associer femmes, jeunes, communautés locales, scientifiques et société civile. Ce n’est pas un geste symbolique, mais « une stratégie » : les communautés proches des ressources hydriques détiennent des savoirs essentiels, et leur reconnaissance ouvre la voie à des systèmes plus résilients, inclusifs et adaptatifs.

Autre exigence : une planification intersectorielle. L’eau croise l’agriculture, l’énergie, la santé, l’urbanisme et les écosystèmes ; « la décision fragmentée a échoué ». Marrakech appelle à une gouvernance intégrée et multi-niveaux capable d’affronter la complexité plutôt que de la contourner.

Dans un contexte de rivalités géopolitiques, la Déclaration de Marrakech réaffirme que « les pays peuvent se disputer l’eau ou coopérer pour la sécurité ». Elle « plaide fermement » pour la seconde option, en insistant sur le partage des données, des expertises et des technologies à l’échelle des bassins transfrontaliers et des aquifères partagés, face aux risques climatiques et aux disparités technologiques.

Cette ambition suppose des investissements. Après des décennies de sous-financement, les infrastructures hydrauliques sont fragiles et les populations exposées. La déclaration appelle à « une nouvelle architecture financière mondiale » pour mobiliser des ressources massives au service d’infrastructures résilientes, de l’adaptation climatique et de technologies de l’eau bas carbone. Partenariats public-privé, banques de développement et stratégies souveraines doivent s’aligner sur un objectif commun : considérer le financement de l’eau non comme un coût, mais comme « l’un des investissements au meilleur rendement pour la stabilité et le développement humain ».

Placée sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, dont l’action positionne le Maroc à l’avant-garde de la diplomatie climatique et hydrique, la rencontre a été un « laboratoire d’idées » et un « générateur de nouvelles alliances ». Sa portée dépasse la symbolique : elle fixe un cap pour les prochains rendez-vous internationaux, de la COP31 à la Conférence des Nations unies sur l’eau 2026 et au Forum mondial de l’eau 2027. Marrakech « replace l’eau là où elle doit être » : au centre des priorités internationales.

Reste une interrogation : « le monde sera-t-il à la hauteur ? » La Déclaration de Marrakech trace le chemin ; aux nations de transformer cette vision en action.

Source : The Arab Weekly — The Marrakech declaration: a turning point in the global fight for water security par Said Temsamani.