Un nouveau chapitre s’ouvre cette semaine dans le feuilleton judiciaire des époux Balkany, avec un procès devant la cour d’appel de Paris consacré exclusivement aux dommages et intérêts dus à l’État dans le volet «blanchiment de fraude fiscale». Après la décision de la Cour de cassation en mai 2024, les peines de prison, d’amende (100 000 euros chacun) et les dix ans d’inéligibilité de Patrick et Isabelle Balkany sont définitifs, mais la question de l’indemnisation des coûts d’enquête – assistance administrative internationale, frais de traduction, investigations pour remonter jusqu’aux avoirs dissimulés – reste à trancher.
La haute juridiction avait en effet annulé la précédente condamnation à 400 000 euros de dommages et intérêts, estimant que le préjudice matériel – 300 000 euros liés aux moyens supplémentaires déployés par le fisc pour démêler les montages offshore – n’était pas suffisamment motivé, et que le préjudice moral de 100 000 euros n’était pas fondé puisque l’atteinte aux intérêts de la société était déjà sanctionnée par les peines pénales. C’est donc ce «prix» final de l’affaire, côté finances publiques, que les magistrats parisiens doivent recalculer, en tenant compte de la jurisprudence et du caractère exceptionnel des investigations menées pour reconstituer un patrimoine fractionné entre comptes suisses, sociétés panaméennes et biens immobiliers à l’étranger.
Sur le plan politique, ce nouveau procès intervient alors que Patrick Balkany, 77 ans, continue d’afficher son intention de peser dans la vie locale à Levallois-Perret, malgré la confirmation début novembre du refus de lever sa peine d’inéligibilité, qu’il dénonce comme une «peine de mort politique». L’ancien maire affirme poursuivre la campagne municipale de 2026 en coulisses, en soutenant une liste conduite par un proche, tandis que lui et son épouse restent définitivement reconnus coupables d’avoir dissimulé près de 13 millions d’euros d’avoirs au fisc entre 2007 et 2014.
Au cœur de ces montages, deux propriétés sont devenues des symboles de l’affaire: la villa «Pamplemousse» à Saint-Martin, et surtout le riad «Dar Gyucy» à Marrakech, acquis via une structure panaméenne et longtemps tenu à l’écart des déclarations patrimoniales officielles. La révélation de ce bien de luxe dans la Palmeraie, financé selon l’enquête par des fonds occultes et des circuits offshore, a contribué à ancrer Marrakech dans l’imaginaire du scandale comme vitrine d’un mode de vie dissimulé, à mille lieues de la réalité fiscale déclarée. La justice a fini par saisir ou vendre la plupart de ces actifs, et l’usufruit du moulin de Giverny a été confisqué, les enfants ne conservant que la nue-propriété, mais la villa marrakchie reste l’un des marqueurs les plus emblématiques de l’affaire.
En toile de fond, le débat sur la sanction financière illustre une question plus large: comment faire payer à des élus condamnés pour fraude fiscale le coût réel, pour la collectivité, de la traque de leurs avoirs et de la déstabilisation de la confiance publique qu’entraînent ces scandales? Dans le cas des Balkany, la décision attendue de la cour d’appel ne changera ni leurs peines de prison ni leur inéligibilité, mais elle fixera le montant que devront supporter, solidairement, les membres de la famille mis en cause. À Levallois comme à Marrakech, les traces de cette affaire politico-financière continueront de hanter durablement l’image d’un couple longtemps considéré comme indéboulonnable. Source


