Marrakech révélée sous l’objectif engagé de Fatimazohra Serri

Rédigé le 17/09/2025
Le Marrakech


Fatimazohra Serri, photographe marocaine autodidacte, bouleverse la scène artistique bien au-delà de son Nador natal. Après avoir grandi dans un environnement conservateur où la liberté des femmes reste un combat quotidien, elle découvre la photographie comme un moyen de dépasser l’ordinaire et de résister. 

D’abord comptable, Serri commence à capturer son quotidien avec un simple téléphone, avant de se tourner vers des mises en scène conceptuelles dans l’espace domestique. À travers ses autoportraits et ses compositions maîtrisées, elle évoque la dichotomie entre la sphère privée — espace de créativité et de revendication — et l’espace public, souvent fermé aux femmes marocaines et à leur expression. À Marrakech, lors d’expositions et de rendez-vous artistiques majeurs, son travail prend une résonance particulière. La ville, qui s’est imposée comme un carrefour de l’art contemporain africain, lui offre une plateforme où ses œuvres, parfois jugées provocantes ailleurs, reçoivent attention et compréhension. 

Serri met en scène des objets du quotidien – miroir, serviette hygiénique – ou décline des symboles forts pour interroger la notion de honte, de féminité et d’honneur dans la société marocaine. Par ce biais, elle engage un dialogue visuel incisif, dénonçant la classification arbitraire des femmes et s’attaquant aux injonctions sociales. Pour surmonter la fermeture des espaces publics, la photographe crée sur les toits, dans l’intimité, ou avec le concours de ses proches, défiant ainsi les frontières du visible et du dicible.

Marrakech ne représente pas seulement un espace de consécration pour Fatimazohra Serri, mais aussi un incubateur pour une nouvelle scène photographique marocaine au féminin. C’est dans la ville rouge que ses messages prennent le plus d’ampleur, touchant un public large et hétéroclite, et offrant un miroir aux espoirs, luttes et rêves d’une génération de femmes artistes. Les œuvres de Serri s’inspirent de ses propres tensions intérieures, de l’observation de son entourage, et de la condition féminine au Maroc. Elles empruntent une esthétique poétique, parfois mélancolique, révélant la puissance de sa « résistance silencieuse ».

Avec un parcours fait de renoncements imposés, de détours familiaux et d’engagements assumés, Fatimazohra Serri incarne aujourd’hui l’avant-garde d’une création marocaine lucide, ancrée dans les réalités locales mais capable de toucher l’universel. Sa trajectoire illustre la force des voix féminines à Marrakech, où, loin des clichés, la résistance s’imprime dans chaque image et chaque regard.