À Marrakech, où son dernier long métrage est programmé, Jafar Panahi est rattrapé par une nouvelle condamnation en Iran: un an de prison, prononcé en son absence. Son avocat, Mostafa Nili, précise que le chef d’accusation vise des « activités de propagande » contre l’État, tout en soulignant que « les détails de ces charges restent flous ». La peine s’accompagne d’une interdiction de voyager pendant deux ans et d’une restriction à rejoindre des groupes politiques ou sociaux, des mesures que l’avocat qualifie de « sévères atteintes à sa liberté ».
Le contraste avec l’actualité artistique du cinéaste est saisissant. Son film It Was Just an Accident, lauréat à Cannes, poursuit sa trajectoire internationale et figure au programme du Festival International du Film de Marrakech. Selon le dossier de présentation, l’œuvre aborde la vengeance à travers le regard d’anciens détenus; le choix de la France pour représenter le pays aux Oscars dans la catégorie film international atteste d’une réception critique solide. « L’accueil du public et des festivals confirme la pertinence du sujet », glisse un membre de l’équipe, tandis que le jury cannois a salué « une mise en scène maîtrisée et un regard sans concession ».
Le contentieux entre Panahi et les autorités iraniennes s’inscrit dans la durée. En 2010, il a été frappé d’une interdiction de tourner et de quitter le pays en raison de son soutien aux mouvements de contestation et de films jugés critiques; condamné pour « propagande contre le système », il avait alors passé deux mois en détention avant une libération sous caution. L’interdit n’a pas fait taire le réalisateur, qui a contourné la censure avec This Is Not a Film et Taxi, où il apparaît en chauffeur: « la contrainte a redéfini ma manière de filmer », a-t-il expliqué à l’époque.
Les arrestations se sont répétées. En 2022, le cinéaste a été détenu sept mois à la suite de mobilisations de professionnels du cinéma; sa libération n’a pas levé les ambiguïtés juridiques. Pour Mostafa Nili, « la récurrence des poursuites pose une question de fond sur la liberté artistique et l’exercice des droits civiques ».
Alors que Marrakech accueille le film et son équipe, la décision judiciaire iranienne résonne bien au-delà des salles. Des professionnels du secteur y voient une tentative de museler une voix majeure du cinéma contemporain; d’autres s’alarment des restrictions de déplacement et d’association, jugées disproportionnées. Le parcours de Panahi, entre interdictions et récompenses, cristallise une tension persistante entre création et contrôle, et rappelle que le destin d’une œuvre peut se jouer autant dans les tribunaux que sur l’écran.