Le retour de Brahim Bouhlel sur le devant de la scène avec la saison 3 de “Validé” intervient alors qu’une page très sombre de sa carrière reste étroitement liée à Marrakech, où l’acteur a franchi une ligne rouge que beaucoup, au Maroc, n’ont toujours pas digérée. Attablé en 2021 à la terrasse d’un restaurant de la ville ocre, il tourne une vidéo dans laquelle, sur un ton se voulant humoristique, il tient des propos d’une violence verbale extrême, évoquant les « putes » qu’il paierait « 100 dirhams » et insultant frontalement trois enfants filmés à leur insu. Présentée a posteriori comme une parodie d’émission, la séquence relève moins de la satire que du mépris pur, visant à la fois des mineurs, des femmes marocaines et, au fond, l’image de Marrakech comme simple décor exotique bon marché pour “vannes” de mauvais goût.
La réaction locale, à Marrakech et dans tout le Maroc, ne s’est pas limitée à l’indignation en ligne: plainte du Club des avocats, mobilisation d’associations de protection de l’enfance, colère d’une opinion marquée par les scandales liés au tourisme sexuel. Dans ce contexte, la défense de Bouhlel – parlant de “sketch non planifié” et d’erreur de jugement – peine à masquer le caractère profondément irresponsable de son comportement, d’autant qu’il s’adresse à des enfants totalement instrumentalisés pour une vidéo destinée aux réseaux sociaux. Que cette scène ait été tournée précisément à Marrakech, ville vitrine du pays et symbole de son hospitalité, renforce le sentiment de trahison chez une partie du public marocain, pour qui l’acteur a abusé de l’accueil du pays pour produire un contenu humiliant.
Sur le plan judiciaire, la condamnation à huit mois de prison ferme au Maroc pour diffusion de vidéo sans consentement et détournement de mineur, confirmée en appel, s’inscrit dans un cadre légal où la protection des mineurs et de la dignité des personnes filmées est prise au sérieux. Les critiques de l’avocate de Bouhlel, dénonçant une menace pour la liberté d’expression, ne suffisent pas à effacer une réalité simple: l’“humour” qui piétine des enfants et véhicule une image hyper sexualisée de Marrakech au profit du buzz n’a rien à voir avec une satire sociale assumée. À l’heure où le Royaume tente justement de lutter contre les dérives liées au tourisme, ce type de contenu réactive des clichés dégradants et fragilise les efforts pour présenter Marrakech comme une destination culturelle et familiale crédible.
Que Brahim Bouhlel ait ensuite su relancer sa carrière en France, enchaînant les rôles au cinéma et en série, ne change rien à la responsabilité initiale de l’artiste dans ce dérapage. Son retour dans “Validé” peut symboliser, pour lui, une forme de renaissance, mais il pose aussi la question de la mémoire médiatique: la machine du divertissement efface-t-elle trop vite la gravité des actes commis, surtout lorsqu’ils ont visé des enfants et un pays hôte? Pour Marrakech et pour de nombreux Marocains, l’épisode reste comme une piqûre de rappel: le respect des personnes filmées, des mineurs et du pays qui accueille les tournages n’est pas négociable, et un statut de star ou de “chouchou des plateformes” ne devrait jamais servir de passe-droit pour transformer une ville en terrain de jeu méprisant au service d’une image “cool” mal maîtrisée.